Bikepacking Grand Staircase-escalante Utah
Texte et photos Dominick Ménard / récit d’aventure la grand staircase-escalante loop, utah / temps de lecture 10 minutes
Le bikepacking continue de piquer ma curiosité et cet hiver j’ai continué d’approfondir mes connaissances sur ce nouvel univers à la fois fascinant et déroutant lors de 3 périples aux états-unis. le premier dans l’état du texas dans le Big bend Ranch state park (vidéo), le second en arizona à travers la black canyon trail et la forêt nationale tonto et finalement mon coup de coeur la boucle Grand Staircase-Escalante au utah dont je vous partage mon expérience dans cet article.
Cette boucle de 241km comprend 3,506m d’ascension et nous amène à travers les falaises de grés du monument national de Grand Staircase-Escalante et du Glen Canyon National Recreation Area.
Question de vous donner un avant-goût, je croyais à un certain moment être en mesure de terminer le tracé en 3 jours mais comme c’est souvent le cas en bikepacking lorsque ça va trop bien, tout a soudainement basculé à 14km de la fin alors que j’étais à 7,200 pieds d’altitude. J’ai dû mettre fin à ma journée et me trouver un campement à la hâte alors que le soleil tombait.
Tout le long du tracé, on circule au milieu de formations rocheuses multicolores qui nous donne parfois l’impression d’être sur une autre planète! Cette région située au sud du Utah fût d’ailleurs l’une des dernières à être cartographié aux États-Unis étant donné son terrain difficile et reculé.
Pour la petite histoire, l’endroit fût déclaré monument national en 1996 par Bill Clinton mais en 2017 un certain Donald Trump annonce son intention de réduire sa taille de 47% afin d’autoriser l'exploitation minière et de forage ce qu’il réussit à faire en février 2020. Heureusement, le président Joe Biden renversera cette décision en octobre 2021.
Comme beaucoup d’autres régions chez nos voisins du sud, le monument national est géré par le Bureau of Land Management (BLM) une agence américaine qui a pour mission de donner accès à ces terres au public et d’en préserver l’état pour les générations futures.
Si vous avez un moment, je vous suggère ce documentaire présenté par Patagonia à propos des terres publiques aux États-Unis et des défis constants qu’implique la préservation de ces terres face aux groupes qui désirent privatisés ces trésors pour l’exploitation Public Trust Feature Film | The Fight for America’s Public Lands
PRÉPARATION - Comme pour mes deux aventures précédentes au Texas et en Arizona, c’est sur le site de Bikepacking.com que j’ai récolté mes informations à propos de cette boucle. Après avoir méticuleusement lu et relu l’article, j’ai aussi regardé quelques vidéos sur YouTube tout en prenant des notes; type de terrain, points d’eau, endroits où camper, distances, météo à venir, où me stationner etc.
À partir de leur site, j’ai téléchargé la carte en format .gpx sur mon bon vieux Garmin Edge 520 ainsi qu’une copie sur l’app Ride with GPS de mon iPhone pour consulter hors ligne (voir map ci-dessous).
Après avoir passé la nuit dans un camping de la petite ville d’Escalante et de ses 787 habitants, j’ai été chercher un permis au Escalante Visitor Center avant d’emprunter un chemin de gravier avec ma van pendant 16km pour me rendre au départ.
J’ai commencé la boucle à 13h45 le vendredi 25 mars 2022. Tard vous me direz pour commencer une ride mais je devais travailler en avant-midi et comme il annonçait une baisse de température au courant de la journée de lundi avec une forte possibilité de pluie, c’était ma seule fenêtre. Dans ce genre d’endroit on retrouve beaucoup de terre composée d’argile et s’il pleut, celle-ci colle aux pneus et avec le sable le tout se transforme en ciment et il est impossible d’avancer, même à pied!
Alors pas question de partir le lendemain je devais profiter de cette demi-journée pour avancer le plus possible.
JOUR 1 - 54km ▪︎ 669m ascension ▪︎ 1,112m descente ▪︎ Campement Last Chance Creek
CHOIX DE VÉLO - J’ai choisi d’opter pour mon vélo de montagne, un Devinci Troy avec 140mm à l’arrière et 170mm à l’avant. Bien sûr, autant de débattement n’est pas nécessaire j’ai donc mis un peu plus d’air dans les amortisseurs (200psi en arrière au lieu de 180 et 100psi en avant au lieu de 90) en plus de fermer la compression. J’avais également mon vélo de gravier à ma disposition, un Devinci Hatchet mais après mon expérience des deux dernières rides, le confort et l’agilité du vélo de montagne en plus des pneus plus costauds et larges sont très appréciés dans ces régions parfois sablonneuses et accidentées. Suite à mon expérience, je peux toutefois vous dire qu’étant donné que les chemins sont majoritairement larges et bien entretenus si jamais vous planifiez faire cette route, il est tout à fait possible de la faire en mtb ou gravel selon votre préférence.
DÉPART - J’ai enfourché mon vélo qui semblait peser une tonne dû aux 8 litres d'eau et 5 jours de nourriture et j’ai emprunté la route Smokey Mountain Road (BLM 300) laissant derrière moi ma van. La journée était parfaite, 22c (72f), ensoleillée avec une agréable brise pour m’accompagner dans de ce premier segment majoritairement en pente descendante.
NEIGE - Après une vingtaine de kilomètres, j’ai été surpris en levant la tête vers la droite d’apercevoir que la montagne était parsemée de neige plus haut en élévation. J’étais loin de me douter à ce moment que ce que je voyais était une partie du Death Ridge une route que j’allais devoir emprunter deux jours plus tard.
L’EAU - L’eau dans le désert est l’un des gros challenges avec lequel on doit composer. C’est primordial de connaître au préalable les endroits où on peut se remplir afin de bien planifier son itinéraire et ses quantités. Évidemment, un filtre à eau est indispensable. J’avais noté 4 points d’eau:
- Km 52 - Last chance creek qui tout dépendant des précipitations et du temps de l’année pouvait être sèche (et ce fût le cas)
- Km 108 - À la sortie du parc dans la ville de Big Water au centre pour visiteurs (surprise l’eau ne fonctionnait pas alors j’ai dû faire un aller/retour dans une station de service)
- Km 177 - Cottonwood creek mais encore là en se croisant les doigts que l'eau coule
- Km 182 - Un réservoir d’eau pour les vaches ( L’eau était douteuse et j’ai ajouté des pastilles de purification après l’avoir filtré)
Je suis parti avec 8 litres d’eau; 3L dans mon sac d’hydratation, 2L dans un réservoir d’extra, 1L dans une pochette flexible, 0.5L dans une autre pochette flexible et 3 gourdes (1.8L) d’eau, une sur le cadre et deux sur la fourche.
À mon arrivée au kilomètre 52, le “Last chance creek” j’ai constaté que la rivière était pratiquement sèche ce qui m’a donné raison de partir avec autant d’eau. C’est d’ailleurs à cet endroit que j’ai décidé de camper pour la nuit.
JOUR 2 - 91km ▪︎ 994m ascension ▪︎ 1,108m descente ▪︎ Campement Cottonwood Canyon road
FROID - Si le jour on a chaud dans le désert, ce n’est définitivement pas le cas la nuit! Depuis ma terrible expérience au Texas, j’ai changé mon matelas de sol et mon sac de couchage. J’ai maintenant un matelas 4 saisons muni d’un indice d’isolation thermique de R4.4 et un sac de couchage avec un indice de confort de 9c et une limite de 5c. J’avais également ajouté une doublure (liner) qui ajoute quelques degrés et pour être sûr j’ai dormi avec un haut et un bas en laine de merino, en plus mon manteau de duvet et devinez quoi… j’ai quand même eu froid!
PIPI - Rien de plus désagréable que de devoir se lever la nuit pour aller au p’tit coin surtout lorsqu’on tente de garder sa chaleur et c’est pourquoi j’ai ajouté un récipient pliable Nalgene à mon arsenal pour ce périple. Ça n’a pas été long que je m’en suis servi et fier de mon coup je me suis recouché. Soudain vers minuit, je me réveille avec la mauvaise sensation d’être humide. J’ouvre la lumière, dézippe mon sleeping bag pour constater que ma doublure avait une couleur plus foncée par endroit… NON!!!! Je ne pouvais pas le croire… je me revoyais soudain en enfance alors que je faisais encore pipi au lit. J’ai aussitôt enlevé la doublure qui heureusement avait absorbé une bonne partie du liquide mais le mal était fait. Mon sleeping bag, mes combines... ohh boy Dom, pas fort. Est-ce que j’ai mal fermé le couvercle? Ou peut-être qu’il y a une fuite dans le sac? Ou bien j’ai mal visé… ?
02h00 - Les heures ont passé et la température n’arrêtait pas de descendre. J’ai vu -2c à un certain moment alors que je tentais désespérément de trouver une façon de me réchauffer en tournant dans tous les sens.
04h00 - Je sentais l’humidité me transpercer le corps. Je regardais le plafond de la tente. Allais-je endurer ça pendant 3 nuits? Et si le mercure descend plus bas la nuit prochaine? J’avoue avoir commencé à penser rebrousser chemin, après tout j’étais seulement à 54km de ma van.
08h50 - Le lendemain matin, je me suis réveillé à 8h50… j’ai dû finalement m'endormir vers les 6 heures. En déjeunant alors que le soleil commençait à me réchauffer, je me suis raisonné en me disant que je n’aurais peut-être jamais la chance de refaire cette boucle. Mon inconfort n’était rien comparativement à ce que les gens vivaient au même moment en Ukraine et ailleurs dans le monde. Puis, il y a du monde qui montent l’Everest chaque année, je ne ferai certainement pas brailler personne avec mon -2c pis mon histoire de pipi.
Donc, pas question de retourner de bord, on continue!
11h30 - Bien que le décor depuis le début soit plus qu’appréciable, j’attendais le moment où j’allais voir toute la splendeur du monument se déployer. Et soudain, la route a débouché sur un immense canyon m’offrant une vue comme j’ai rarement eu la chance de pouvoir savourer! WOW, je n’en revenais tout simplement pas. J’avais vu des photos au préalable mais lorsqu’on se retrouve devant un tel paysage, ça prend une tout autre proportion. Après ma désagréable nuit voilà que j’étais maintenant récompensé. C’est pour ces moments qu’on se lance dans ce genre d’aventure.
Du haut d’où j’étais, je pouvais suivre des yeux la route qui m’attendait. Une longue descente qui serpente à flanc de montagne et dont je ne pouvais voir la fin. J’étais à 1,730m d’altitude et 13km plus bas à la fin de cette descente j’allais être à 1,172m. Probablement la plus longue descente de ma vie me suis dis-je en m’élançant sur mon vélo!
13h00 - Après cette longue descente, je me suis retrouvé au pied de ces falaises je me sentais très petit. Il y a plus de 75 millions d’années tout ce que je voyais autour de moi était submergé d’eau dû aux mouvements de la Western Interior Sea qui séparait jadis l’Amérique du Nord en deux parties. À son apogée, cette mer s’étendait de l’océan Arctique au Golf du Mexique. Ce qu’on voit aujourd’hui est le résultat d’un processus qui s’est échelonné sur des millions d’années. On y découvre encore beaucoup de fossiles de dinosaures et de reptiles marins de toutes sortes qui fait de la région un endroit prisé par les archéologues et les géologues. Alors que je pédalais, je tentais d’imaginer cette eau autour de moi. C’est un de ces moments où on prend conscience à quel point notre passage sur terre est court, comment l’univers est immense et à quel point on se prend parfois la tête avec des niaiseries au quotidien. Malgré les enjeux actuels, on vit dans une période fort agréable pour l’espèce humaine. Assurons-nous seulement de ne pas disparaître comme les dinosaures il y a 66 millions d’années.
14h15 - Je suis sorti du Grand Staircare-Escalante National Monument pour entrer dans le Glen Canyon National Recreation Area avant de rejoindre la ville de Big Water où j’ai pu remplir mon eau. Petite surprise par contre, le centre pour visiteur n’avait pas d’eau fonctionnelle alors j’ai dû faire un détour dans une station de service 2.1km plus loin. Pour me consoler, je me suis m’acheté une crème glacée, un lait au chocolat, un Dr. Pepper, deux galettes et un beigne!
Bien rassasié, j’ai repris la route pour m’enfoncer à nouveau dans l’inconnu, cette fois sur la Cottonwood Canyon road où j’ai trouvé un magnifique campement à l’abris du vent grâce aux roches avec un endroit où faire un feu dans lequel quelqu’un avait laissé du bois, une belle récompense après une journée de 91km :)
JOUR 3 - 82km ▪︎ 1,718m ascension ▪︎ 886m descente ▪︎ Campement Cottonwood road
06h30 - De loin la meilleure nuit de sommeil que j’ai eu en bikepacking depuis mes débuts! Étant à basse altitude, la température était très agréable et j’ai me suis endormi comme un bébé! Même pas eu besoin de mon p’tit récipient cette nuit! ;) J’avais un excellent réseau cellulaire en plus et j’ai pu écouter en direct la coupe du monde de descente de vélo de montagne haha le luxe toi!
SCORPION - En préparant mon équipement le matin, j’ai toutefois eu un rappel qu’il faut toujours rester sur ses gardes dans ce genre d’aventure. Deux scorpions avaient trouvé refuge sous ma tente, alors attention où on met les pieds dans le désert… parole d’un gars qui s’est fait piquer il y a 3 ans au Mexique! ;)
12h30 - L’endroit n’avait pas fini de me gâter, alors que je montais une côte la route est passée du gris au rouge alors que je lève les yeux pour apercevoir une série de roches pointus qui se dressaient à ma droite.
Alors que je me faufile au centre de cette superbe formation rocheuse, j’ai l’impression de rentrer dans un monde enchanté, tout droit sorti d’un film. Le tout semblait avoir été dessiné, c’était magnifique de voir la texture et les couleurs beige sable et orangé s’entrelacer. J’y suis resté un moment pour prendre quelques photos et faire une shot de drone. Ça n’a pas été facile, il ventait tellement que le drone était instable et il est même venu me percuter l’arrière de la tête alors je tentais de faire une scène en action! Je vais sûrement mettre ça dans mes bloopers lorsque je vais monter la vidéo de cette aventure! haha
14h00 - Après avoir rempli mon eau dans le réservoir pour vaches au kilomètre 182 comme prévu, je prends un moment pour me faire un plan de match. Je m’étais initialement laissé l’option de camper dans ce coin, mais avec 35km de fait dans ma journée, j’avais de l’énergie en masse et il était encore tôt alors inutile de rester ici.
Avec 60km à faire, j’ai commencé à croire que c’était possible d’en finir aujourd’hui même avec la boucle. Néanmoins, je savais aussi que le plus gros défi de la boucle m’attendait: la montée du Death Ridge, une ascension sur 30km en dents de scie qui allait m’amener à un peu plus de 2,300m (7,600 pieds) soit le point le plus haut du périple avant de redescendre sur 12km jusqu’à ma van.
De toute façon, avec le mauvais temps annoncé pour demain après-midi, j’avais tout intérêt à continuer d’avancer alors je rembarque sur mon vélo.
16h00 - J’arrive au début de la route qui mène à la crête Death Ridge. Le moral est bon, les jambes en veulent plus et avec environ 40km qui me sépare de ma van je sens l’enthousiasme s’emparer de moi, je peux le faire! I got this! Je me voyais déjà en train de m’empiffrer dans le frigo, de me faire un shake de protéine, écouter un film et dormir dans mon lit douillet.
16h30 - Pour la première fois depuis mon départ, une montée trop abrupte me force à débarquer et pousser mon vélo. Je savais que cette portion de 30km allait être la plus difficile du tracé alors je m’y attendais, bring it on!
17h00 - Soudain la route rétrécie. Des roches jonchent le sol comme si on avait étendu une cargaison d’oranges et de pamplemousses par terre. Je pousse de plus en plus mon vélo.
17h30 - 65e km, les montées se multiplies… plus le temps passe, plus je regarde fréquemment mon cyclomètre, j’analysais mon progrès, combien de kilomètres me séparent du sommet, l’heure. Plus ça va, plus je valse entre l’optimiste et le doute.
18h00 - Mon dilemme est le suivant… plus j’avance, plus je monte en élévation. Advenant le cas que je dois lancer la serviette et camper je risque de passer une nuit froide, très froide.
18h15 - 72e km, la game change. Alors que je longe la crête en poussant mon vélo, le vent souffle de plus en plus fort. Mais trop tard, mon choix est fait pas question de virer de bord, je dois avancer à tout prix et espérer que ça se replace. Le soleil commence à descendre à l’horizon.
18h47 - 76e km, je regarde la map et tente de savoir quelle distance me sépare du sommet exactement mais impossible de dire vraiment… j’évalue à 10 kilomètres. Il reste 45 minutes avant que le soleil ne disparaisse, je ne sais pu trop quoi penser. Assurément, si je termine ça va être avec l’aide de lumières. Bahhh pas de trouble, ce ne sera pas la première fois que je roulerai dans le noir. I got this!
19h35 - 80e km, je contourne la crête vers la droite et c’est là que tout bascule… cette partie de la montagne est moins exposée au soleil et je vois que le terrain change. C’est plus mou, c’est mouillé et je vois de la neige. Je passe à travers…. ensuite un énorme trou d’eau, je débarque et je le contourne mais je sens l’eau rentrer dans mes souliers, je rembarque, quelque mètres après de la neige encore… oh non shit… je marche, je glisse, encore de la neige… de la bouette… mes bas sont maintenant mouillés. Je n’peux pas y croire… non, non, non ce n’est pas en train de se produire… mes pneus se bourrent. J’enlève ce que je peux et je tente de continuer.
19h48 - 80.5 km, le pire cauchemar des aventuriers dans ce coin du pays… une terre qui colle a tout ce qui rentre en contact avec tel du ciment. Je pousse le vélo… je le secoue… mes souliers sont trempés, ils collent au sol aussi… ça fait de la succion. Je tente d’enlever la bouette avec une branche, les roues ne tournent plus. Le vélo semble peser 100 livres. Je tire et tire…. rien bouge. C’est la fin, qu’est-ce que je vais faire?
19h50 - Je passe une longue minute sur place à regarder le ciel et autour de moi en réfléchissant. Je dois me rendre à l’évidence. Je dois trouver un campement, puis vite avant que la noirceur arrive.
20h00 - Je n’ai jamais été confronté à une situation d’urgence du genre en plein air et je ne sais pas si ma situation se qualifie pour ça ou non, mais peu importe je vous confirme que j’étais en mode alerte! À ce moment, je regrettais de ne pas avoir un appareil satellite au cas où. Le park ranger m’avait signalé qu’un blizzard hivernal avait eu lieu ici récemment et qu’en élévation tout peut changer rapidement. Je voyais effectivement la neige autour de moi. Je la sentais aussi, un vent froid de fin de journée faisait lever l’humidité du sol jusqu’à mon visage. Ouff il va faire froid cette nuit.
CAMPEMENT - Dans les 30 dernières minutes de la ride, j’avais tenté de repérer des endroits pour camper au cas mais je n’en avais vu aucun alors je continue d’avancer tant bien que mal en tirant mon vélo comme un cadavre. Par chance, à peine quelques mètres plus loin la forêt s'ouvre et un espace plat parfait pour ma tente! Je clanche en 5e vitesse, je dépose mon sac à dos et je déballe mon équipement, je monte ma tente en un temps record et j’allume immédiatement un feu afin de faire sécher mes souliers et mes bas mouillés.
MALCHANCE - Alors que je termine de m’installer, je remarque que la terre est foncée là où j’avais déposé mon sac d’hydratation. Je l’inspecte et je constate avec effroi qu’il y a un centimètre d’eau dans le fond! Avant même de comprendre que le joint d'étanchéité était mal installé, j’ai bu ce qu’il y avait dans le fond du sac, pas question de perdre ça! Non mais quand ça va mal! J’ai fait le décompte, il me restait même pas 1L d’eau au total; 500ml dans la pochette, un fond dans une gourde et un peu dans une autre pochette que j’avais d’ailleurs failli vider avant la montée pour m’alléger.
21h00 - Je me prépare mentalement à l’idée que si jamais il fait trop froid, je peux toujours rester près du feu toute la nuit. Je ramasse donc tout le bois que je peux autour de moi. Assis sur le bord du feu en train de manger, j’envisage quelques scénarios. Si jamais la situation se dégrade, j’ai juste à cacher mon vélo et retourner à ma van à pied, une quinzaine de kilomètres ça se fait. Je n’aurais qu’à trouver un moyen de revenir chercher mon vélo. Seul sur le bord d’un feu, ce n’est pas l’imagination qui manque! haha
23h00 - Par moment, je souris en me disant que ça va faire une bonne histoire à raconter! Je me voyais déjà écrire ce texte. Après je reviens au moment présent en espérant que le reste de la route ne sera pas boueuse comme ce que je viens de traverser sinon… sinon quoi? Je n’avais pas la réponse à cette question. En même temps je me disais que ma situation n’était pas si grave, franchement je suis pas pogné sur l’Everest non plus. Et là je me souviens d’une histoire de sauvetage au Mont Orford au printemps dernier, ça peut arriver n’importe où. Ça serait déjà moins honteux ici! J'ai ainsi valsé dans mes pensées le plus tard possible au chaud sur le bord du feu afin de raccourcir la nuit le plus possible.
JOUR 4 - 14km ▪︎ 125m ascension ▪︎ 391m descente ▪︎ Campement Death Ridge
Le lendemain je me réveille très tôt, j’appréhende la route qui m’attend. La première chose que je fais est de rallumer le feu afin de me réchauffer. Bien que la température ait oscillé autour de 0c je n’ai pas eu si froid. Peut-être que je m'habitue! Je regarde autour de moi, wow la neige sur la crête c'est magnifique avec la lumière du matin. J’affiche un sourire en repensant à la veille.
N’empêche que je ne suis pas sorti du bois, il me reste 500ml d’eau et je ne sais toujours pas comment la route va être. Si c’est boueux comme ça encore longtemps la journée va être longue. La boue ayant séché j’ai enlevé tout ce que j’ai pu avec une branche et en frappant les roues sur un arbre.
Je prends le départ vers 8am et à ma grande surprise aucune boue… RIEN! La route était sablonneuse mais sec. Le pire était fait! Je continue de marcher et aussitôt que j’ai la chance je rembarque sur le vélo qui se lamente quelque peu étant toujours sous l’emprise de la boue. Le fait d’être à nouveau sur mon vélo en train de pédaler me réconforte, le mouvement libère tranquillement le vélo de la boue et j’avance de plus en plus vite. Et comme par magie après seulement (tenez-vous bien) 953m j’arrive au sommet! haha je n’en revenais pas! J’étais rendu!!!
Une belle descente m’attendait par la suite, je pense avoir souri pendant les 13 kilomètres qui restait! Quel feeling extraordinaire, si ça n’avait pas été de cette mésaventure de la veille jamais je n’aurais été aussi satisfait de cette ride. J’étais vraiment fier! J’ai appris quelques leçons et je sors grandi de cette expérience.
J’ai déjà hâte à la prochaine aventure, ça sera au Québec cette fois!
J’espère que vous avez apprécié ce récit, je me lance maintenant dans le montage vidéo que je vais éventuellement mettre sur la chaine YouTube de Bonvelo
Bonvelo! 😊✌️
Dom